vendredi 13 septembre 2024

Dialogues impossibles ?

 Très tôt le milieu des littératures de l'imaginaire a dialogué avec celui du jeu de rôles. Jacques Goimar à partir de 1988 a publié énormément de fantasy parce qu'il savait que le public rôliste s'y intéressait et que ce public était en plein développement.

Les choses n'ont pas été de même avec les amateurs de manga ou les gamers.

Quoique au début des années 2000, Fleuve Noir a tenté une approche pour les amateurs de manga. Ils se sont lancés dans la publication de Guin Saga, l'énorme série de sword and sorcery de Kaoru Kurimoto. Une série Fleuve de plus de 150 romans + des spin off. Mais en matière de série énorme le Fleuve avait acquis de l'expérience avec Perry Rhodan. Donc ils ont tenté. Au bout de 5 volumes, ils ont jeté l'éponge. 

Le succès n'était pas au rendez vous. Sans doute l'œuvre choisie ne convenait aux mangaphiles de l'époque.  Mais il faut constater que les light novels n'ont pas non plus chez nous le succès du manga.

Par contre il est clair que pour les gamers, rien n'a été tenté jusqu'à il y a peu.

lundi 24 juin 2024

Les courants improbables

 L'imaginaire évolue même sur son versant populaire. Imaginons un peu les courants que la SF ou la fantasy la plus pulp peuvent donner.

Fast car & sorcery : un peu du Fast & Furious avec du surnaturel. la voiture étant amené à être désacralisée va devenir un objet de fiction populaire. 

Fast car & planet : Quand Mad Max rencontre John Carter. Des courses endiablées sur des planètes de science fantasy.

Glisse & planète : Skate board, roller, surf, char à voile, deltaplane et autres sports de glisse dans des contextes de science fantasy.

Space opera urbain  : Aventures dans les mégalopoles intergalactiques.

Pokemon pour adulte : Des récits de sf ou de fantasy avec des animaux-armes.

Railroad opera : des planètes couvertes de voies ferrées parcourue par des trains.

Cyclopunk : des mondes alternatifs dominés par le vélo.

jeudi 11 avril 2024

L'imaginaire et la concret 2

 Pendant longtemps les écrivains afro-américains étaient surtout des auteurs de polar ( Walter Moseley, Gary Phillips, Charles Boeckman...). Aujourd'hui il y a de plus en plus d'écrivains de Sf et de fantasy dans cette communauté. Pourtant la situation des noirs n'a pas changé aux USA entre 2000 et aujourd'hui. C'est la communauté qui a changé. Ils sont plus volontaristes, mettent en place des actions revendicatives pour canaliser leur colère. 

Bref on a une communauté qui a gagné une estime de soi.

Donc pour que l'imaginaire fonctionne dans un territoire il faut qu'il y ait un esprit de tolérance et que les individus aient une estime d'eux même. Dans un pays où l'on infantilise la population et où l'on monte les communautés les unes contre les autres c'est pas gagné.

mercredi 10 avril 2024

L'imaginaire et le concret

 Dans les Asturies en Espagne il y a depuis longtemps une communauté solide d'auteurs de SF et de fantasy. Leur association organise tous les ans sa convention. Et à Avillés, a lieu chaque année en juillet le festival Celsius 232, l'équivalent espagnol des Imaginales.

En Limousin ce sont plutôt les auteurs de romans noirs qui ont développé leur réseau. Et aujourd'hui le polar régional est devenu une véritable institution dans la région.

D'un côté une région où l'on aime plutôt l'imaginaire et de l'autre une où l'on aime plutôt le concret. Et pourtant nous avons là deux  régions qui ont des profils économiques semblables avec une économie assez tournée vers l'agriculture. Les Asturies est une des régions les plus pauvres d'Espagne aussi. Donc quelle est la variable cachée ?

À la différence du Limousin, les Asturies ont un accès à la mer avec aussi des stations balnéaires. Donc un brassage de population qui amène un esprit de tolérance. 

L'esprit de tolérance serait la variable cachée ? Il faut dire qu'en Limousin à l'exception du plateau cet esprit est assez absent.

Quand on regarde où on lit le plus d'imaginaire en France on tombe sur l'ancienne région Rhône Alpes. Une région très marquée par le protestantisme et aussi une région qui a connu énormément de grands travaux pendant les trente glorieuses. Donc des brassages de population qui ont continué avec le tourisme. Cela tend à confirmer que l'esprit de tolérance est une des variables cachées qui permet de comprendre pourquoi on apprécie peu l'imaginaire chez nous.

samedi 6 avril 2024

Rajeunir le fandom

 Le fandom français est vieillissant. À la conventions de Bergerac on ne comptait que trois participants de moins de 40 ans dont deux organisatrices, le tout sur 60 participants. Pas très glorieux.

Mais ça peut changer. En 2006 le blogueur américain Jonathan MacAlmont, se plaignait du vieillissement du fandom américain et de la domination des hommes blancs de plus de 60 ans dans les worldcons. En 2012 sur des photos postées sur le blog d'une autrice on voyait lors d'une worldcon, des gens jeunes, beaucoup de jeunes femmes et bon nombres de personnes racisées. Donc en. 6 ans tout avait changé du tout au tout.

Entre les deux il y a eu :

- La création d'un écosystème de webzine : Clarkesworld, Apex, Chizine, Beneath Ceaseless skies, Lighspeed, Heroic fantasy quarterly et d'autres.

- Deux éditeurs Solaris et Angry Robot, lancé par le même homme Marc Gascoyne. Le but était de publier des romans plus punchy pour une nouvelle génération.

Et l'on a fait émerger une nouvelle génération d'auteurs et une nouvelle génération de fans.

En France l'écosystème des webzines a culminé vers 2017 et n'a jamais eu un nombre de visiteurs suffisants pour donner quelque chose. Et puis la nouvelle n'est pas très appréciée chez nous, malheureusement.

Mais je pense que des choses sont possibles. 






dimanche 31 mars 2024

Game changer

 Qu'est ce qu'un game changer ? C'est quelqu'un qui change régulièrement un univers éditorial en apportant des éléments qui vont le bouleverser profondément. Et nos littératures ont évolué grâce à un game changer.

Ainsi Donald Wolheim en proposant avec Daw Books, une proposition néo-classique en SF et de la fantasy épique alors que le reste de l'édition était dans la new wave, a été un game changer. C'est grâce à son travail que ce que l'on a appelé la nouvelle science fiction américaine a pu émerger à partir de 1977.

John Joseph Adams en 2001 est devenu le fiction editor de The Magazine of fantasy and science fiction. Il va à son arrivée décider de ne plus publier les fonds de tiroir des grands auteurs. Il y aura ainsi plus de place pour des nouveaux ou des auteurs peu connus. C'est grâce à cette décision que les auteurs des minorités visibles et invisibles vont pouvoir trouver un espace de publication. Et ensuite Andrew Cox chez Interzone et Sheila Williams dans Asimov's vont prendre la même décision. 

Marc Gascoyne venait du milieu du JDR. Auteur de Warhammer et vice président de Games Workshop, il va avoir l'idée de créer Solaris Books en 2007 pour proposer une Sf et une fantasy plus punchy pour les nouvelles générations. Puis ensuite en 20009 il crée Angry Robot. Il a ouvert la voie à d'autres gens. Et ensuite on a vu apparaître Saga Press, le label Impulse chez Harper Voyager ou encore le label Tor.com chez Tor. 

En France il n'y a guère que Jacques Goimard qui a ouvert une nouvelle voie dans les littératures de l'imaginaire.

Mais le game changing peut aussi être du travail d'apprenti sorcier. Milady en rapprochant imaginaire et romance a provoqué une série de conséquences négatives : développement de l'imaginaire new adult au détriment de l'imaginaire spéculatif; attrition du lectorat masculin jeune, contamination de la fantasy par la romance. 

Le game changing peut être aussi le résultat d'une tendance et d'efforts coordonnés du fandom. Ainsi en Espagne ou en Italie, le rapprochement des littératures de l'imaginaire avec le jeu de rôles et les jeux vidéos a permis de faire émerger de nouvelles tendances sur le versant populaire.

Interruption de la chaîne de transmission

 Aujourd'hui on a de plus en plus de lecteurs qui commencent par le young adult, ce qui n'est pas un problème. Mais souvent ils continuent par le new adult. Ils ne sont pas capables de passer à l'imaginaire adulte. Comme s'il manquait un élément. Comme si les ouvrages passerelles entre YA et imaginaire adulte étaient absents.

Et la cause il faut la chercher au milieu des années 2000 lorsque Pocket sous l'impulsion de Bénédicte Lombardo a changé de politique éditoriale. Pocket SF a été longtemps un maillon important de l'écosystème SF / fantasy en France. Mais au milieu des années 2000 ils nous disaient qu'il fallait en finir avec la fantasy féminine et que l'on devait publier de la littérature plus virile. Tout ça pour rééditer Terry Goodkind. Mais cette période n'a duré que peu de temps. Ensuite Pocket SF avec son directeur de collection suivant Stéphane Désa s'est contenté de rééditer des œuvres publiées chez divers éditeurs, bien loin de la publication d'inédits qui avaient longtemps était la marque de fabrique de la maison. Et qui prend racine à la fin des années 80, quand Jacques Goimard s'est rendu compte de la faible féminisation du lectorat d'une part et du potentiel important du public rôliste d'autre part. Ce qui a amené un fort développement de la fantasy féminine et aussi de la fantasy tout court. C'est l'époque où Pocket a publié des page turners, des grandes sagas populaires qui ont amené toute une génération vers nos littératures. L'époque où l'on trouvait ces titres dans toutes les maisons de la presse.

Pocket après 88 a été un vrai game changer. Et on leur doit le développement d'un nouveau lectorat dans une période de vache maigre. Le seul reproche à leur faire, c'est de ne pas avoir publié de francophones.

Mais après le changement de politique éditoriale, à l'époque de Stéphane Désa, ils ont repris des romans ambitieux publié chez des éditeurs comme le Bélial ou l'Atalante. À l'époque plus question d'inédits au format poche. Le type de roman publié par Pocket jusqu'en 2005 avait disparu des collections de poche. Quand Milady s'est créé on espérait voir revenir ce type d'ouvrage. Et non ils sont partis dans une autre direction, plus racoleuse, pour satisfaire la grande distribution. Et les jeunes lectrices n'ont plus eu à se mettre sous la dent de la fantasy féminine populaire de qualité. Ces romans qui auraient pu leur permettre de basculer de la fantasy YA à la fantasy adulte. Et pourtant il y avait matière à publier des choses rien qu'en se cantonnant aux traductions anglophones. Chez Ace ou chez Daw, ce type de romans grouillaient. Et ensuite ils n'auraient eu aucun mal à accompagner l'arrivée de la diversité dans les années 2010. Et même aller vers des auteurs français.

Comme quoi, un manque qui n'est pas remplacé déséquilibre le système.