jeudi 9 décembre 2021

Le modèle du coucou

 Vous connaissez le coucou, cet oiseau qui pond dans le nid des autres oiseaux et qui en déloge les poussins pour être le seul à survivre.

Et bien nous avons nos propres coucous qui nous ont fait mal. La bit lit créés par Bragelonne, appellation purement marketing mêlant la fantasy urbaine à héroïne et la paranormal romance ( mais qui finalement a vendu beaucoup plus de paranormal romance) s'est développée au détriment de la fantasy urbaine qui est finalement reléguée à la périphérie.

Et nous avons le new adult, littérature pour les 18 à 25 ans qui est censé prendre le relais du young adult. Si je suis très favorable à l'existence d'une littérature YA pour ramener les décrocheurs à la lecture, le new adult est malheureusement un mouvement clairement parasitaire pour maintenir les jeunes des classes populaires à l'écart de la littérature adulte ( le mépris de classe dans toute sa splendeur). Le new adult se crée des nids grâce à certains éditeurs et récupère des parts de marché assez conséquente. Ce mélange de dystopie, bit lit, dark fantasy bien glauque et romance fantasy a ses fans aujourd'hui et forme un mouvement qui a pris beaucoup plus d'importance qu'on le pense. Et je ne parle pas du rôle certain de certaines autrices Wattpad qui semble jouer un rôle ( d'ailleurs les éditeurs de new adult publient très souvent des autrices et auteurs qui sont déjà connu sur ce réseau. Et leur communauté fait ensuite la com, c'est malin).

Bref les coucous sont là. Et certaines stratégies marketing semblent avoir favorisé leur développement dans notre pays. Il va falloir se battre pour le nid.

vendredi 3 décembre 2021

Uchronie littéraire

 Que se serait-il passé s'il n'y avait pas eu Bragelonne pour occuper une grande partie du terrain ?

Regarder comment les choses se sont passées chez nos voisins nous donne une petite idée. 

Le groupe Penguin Random House se serait installé en France ( il l'a fait en Italie, Allemagne, Espagne) avec un ou plusieurs labels consacrés aux littératures de l'imaginaire avec tout de suite une très bonne distribution. Il est clair que Hachette aurait voulu contre attaquer et aurait à son tour occupé le segment. Tout ça aurait sans doute ramené l'imaginaire vers les maisons de la Presse. On aurait eu énormément de traductions et donc les autres éditeurs auraient pu d'une part publier plus de francophones et aussi des traductions d'auteurs non anglo saxons.

Et surtout on aurait pas eu la bit lit et autres plans marketing foireux qui ont bien foutu la merde sur le marché. Est ce que l'imaginaire marcherait commercialement mieux ? Sûrement un peu mieux grâce à une meilleure occupation des maisons de la presse. 

dimanche 14 novembre 2021

Le mois de l'imaginaire : perspectives et évolution

 Aujourd'hui le mois de l'imaginaire permet l'émergence de manifestation qui font parler des littératures de l'imaginaire. Librairies, bibliothèques, centres culturels, organismes d'éducation populaire peuvent s'associer au mouvement et lancer leur manifestation de promotion de l'imaginaire pour faire parler de nos genres préférés. Mais ne pourraient - on pas aller encore plus loin ?

Associer d'autres acteurs me paraîtrait opportun pour une nouvelle étape :

- La presse

- L'éducation nationale.

Pour la presse on va se heurter à un problème de calendrier. Octobre c'est encore la rentrée littéraire. C'est le mois des prix. Les pages littéraires des quotidiens nationaux et de la PQR sont saturés par les sélections du Goncourt et du Renaudot et des autres grands prix littéraire. Et donc ça risque d'être difficile.

Pour l'éducation nationale, beaucoup de professeurs documentalistes ( notamment chez les jeunes professionnels) sont à même de relayer la manifestation. Ce serait certes plus facile à mettre en place dans l'enseignement professionnel que dans l'enseignement général et technologique (mais ça pourrait être fait dans les classes de seconde sans trop de problème). En collège aux niveau quatrième et troisième on doit pouvoir intervenir ( et là on va peut être pouvoir diversifier les lectures recommandées dans un deuxième temps)

Le problème de la date de la manifestation reste donc entier. Octobre pouvant être problématique pour le développement de cette opération l'on peut se rabattre sur janvier, février, mars ou juin qui semble des mois où il est encore possible de mettre en place une opération de ce type.

jeudi 21 octobre 2021

L'évolution de l'imaginaire

 Dans mon précédent article j'évoquais la théorie des cercles. Je dois dire que je ne peux pas quantifier ce que représente chaque cercle, mais de mon expérience j'ai l'impression que le premier et le deuxième cercle ont diminué et que le troisième lui s'est agrandi.

Mais un courant parallèle à l'imaginaire mainstream a fait son apparition : l'imaginaire new adult. Destiné à ceux qui n'arrive pas à passer du young adult à la littérature adulte. Il faut bien dire que dans les années 2000 la chaîne de transmission s'est brisée : entre l'arrêt du poche chez Fleuve Noir et le changement de politique éditoriale chez Pocket avec l'arrivée de Bénédicte Lombardo. Mais aussi la disparition de l'imaginaire dans les maisons de la presse de province où les collections J'ai Lu SF et Pocket SF longtemps abondantes dans ces points de vente a disparu. Même la collection Folio SF y est rare.

Une génération a découvert l'imaginaire avec Twilight et Hunger Games et a voulu rester dans ces ambiances. Aujourd'hui des éditeurs répondent à leur demande en s'appuyant bien souvent sur des autrices qui ont fait leurs preuves sur Wattpad et disposent d'une importante communauté qui leur permet d'évoluer  très vite. Si l'on n'y prend garde un jour cet imaginaire dépassera en nombre de lecteur celui de l'imaginaire mainstream. Ce que les éditions Inceptio par exemple ont bien compris en essayant d'articuler les deux assez intelligemment. 


mardi 3 août 2021

La théorie des cercles

 Quand on s'intéresse au marketing des littératures de l'imaginaire on peut déterminer 3 cercles de lecteur.

- Le premier cercle : des lecteurs très réguliers et très investis. Le cœur de cible.

- Le deuxième cercle : les lecteurs intéressés. Des lecteurs assez réguliers eux aussi mais moins investis. Plus passifs. Mais également passionnés.

- Le troisième cercle : les lecteurs occasionnels.

Un marketing efficace fait passer des lecteurs du deuxième cercle vers le premier et du troisième cercle vers le deuxième. Or quand nous regardons ce qui s'est passé ces 15 dernière années nous avons des lecteurs du premier cercle qui ont rejoint le deuxième et des lecteurs du deuxième qui se sont échappés vers le troisième. Et aussi des lecteurs du troisième qui ont déserté pour aller vers les rivages fréquentés et rassurants du polar et du thriller. Bref des lecteurs ne trouvaient plus leur came. On a essayé de leur faire avaler de force du Dantec, du Houellebecq, du Darrieussecq ou du Damasio. Ils n'avaient ni envie de lire de la bit ni de la fantasy expérimentale. Ils n'avaient pas envie de lire ce qui sort chez La Volte. Ils ne se sont pas reconnus dans ce que publiait Bifrost. Malheureusement pour eux ils n'avaient pas connaissance de l'existence de certaines petites maisons d'édition qui aurait pu les intéresser.

Parce que pour un petit éditeur le principal moyen d'aller à la rencontre du deuxième cercle ce sont les salons. Puisque les libraires ne veulent pas toujours les mettre en avant.

jeudi 22 juillet 2021

Nous sommes en deuil

 La SF française est en deuil. La mort de Roland C Wagner en 2012 fut un énorme choc qui a créé un grand vide. En 2015 la mort d'Ayerdahl en 2015 a eu un impact comparable. Le milieu ne s'en est toujours pas remis. Le vide est prêt à être rempli. La relève est là. Mais le deuil n'est pas terminé. Nous ne n'y sommes toujours pas prêt.

Même si ces deux auteurs nous manquent et que rien ne viendra combler ce manque, il faut aller de l'avant et continuer à faire évoluer le genre. Il y a des auteurs qui sont prêt à émerger. On les connaît, au moins certains. Il faut qu'ils prennent la place qui est la leur. Et pour ça il faut faire le deui.

mardi 20 juillet 2021

La SF française à la lumière de la spirale dynamique

 La spirale dynamique est un outil qui classifie l'évolution humaine entre le niveau beige (survivaliste) et la niveau turquoise ( holistique) en passant par le mauve (tribal), le rouge (égocentré), le bleu ( absolutiste), l'orange (opportuniste), le vert (idéaliste) et le jaune ( systémique).

La SF a quasiment commencé au niveau orange en tant que littérature très scientiste. Mais la SF française a suivi un cour chaotique. Une dominante bleue s'est allumée avec la SF politique française dans les 70 puis à nouveau un courant orange avec le groupe Limite dans les 80. Mais un jour la SF s'est mise en phase avec le siècle. Dans les années 90 une génération fortement verte apparaît ( Bordage, Genefort, Dunyach et même Ayerdahl) et même on comptait un auteur qui a réussi son ascension vers le niveau jaune ( Roland C Wagner avec une vision constructive du monde). Mais évidemment ça n'a pas duré.

Il a fallu qu'on aille chercher les bleus de droite Houellebecq et Dantec pour se légitimer. Et aujourd'hui c'est le bleu de gauche Damasio. Sans oublier l'attraction vers le orange avec la volonté d'aller chercher des auteurs qui écrivent de l'anticipation dans les collections de blanche ( même si sur le plan sémiotique ils n'ont pas la même démarche que les auteurs de SF cœur de cible). La volonté de se légitimer par rapport à la blanche est une démarche orange. En fait il faut dépasser ce cap et s'émanciper de tout pour s'assumer pleinement.

Et pourtant on a des verts très ascendants ( Bruno Pochesci, Jean Bury, Sylvain Lamur, Luce Basseterre) et même un auteur jaune ( Jean Christophe Gapdy). Et là je ne cite que des romanciers. Il y en a encore plus dans les nouvellistes (je pense notamment à deux autrices Lalex Andrea et Arhana). Bref il y aurait de quoi faire quelque chose de vraiment sexy avec la SF. Mais le succès de Damasio fait que certains veulent publier de la SF plus engagée ou plus littéraire. Bref s'engager dans des démarches soit bleues, soit oranges. Si l'on mettait en avant des auteurs verts ou jaunes il est clair que ça marcherait.

Bref et si la SF française n'avait pas le succès qu'elle méritait parce qu'elle n'était pas assez évolutionnaire. Ou plutôt parce que les auteurs les plus évolutionnaires sont mis en avant par de petites structures, là où les éditeurs plus importants prèfèrent des auteurs engagés ou littéraires.

lundi 26 avril 2021

Le réseau et les autres

 Les littératures de l'imaginaire sont un réseau. Les auteurs se lisent entre eux et conseillent la lecture de leurs petits camarades. 

En fait l'énoncé que je viens de prononcer est théorique. Et ne marche que dans le meilleur des mondes possibles. 

Car les auteurs qui sont placés au top du genre sont totalement inutiles dans ce jeu. Car ces auteurs ne lisent pas leurs camarades. Et pourtant ce sont eux qui ont la plus forte aura médiatique. Depuis 20 ans nous mettons au cœur du système des auteurs qui sont destinés à raccoller les lecteurs de blanche pour les faire venir à nous. J'ai toujours été dubitatif sur cette stratégie. Je pense qu'au niveau sémiotique trop de choses séparent les deux lectorats. On me répondra qu'il existe des lecteurs qui lisent les deux. Un peu comme il existe des poissons volants. Il y a plus de convergence avec le lectorat du polar et encore pas intégralement. J'arrête cette digression.

Mais on a mis en avant successivement Houellebecq, Dantec, Marie Darrieussecq et maintenant Alain Damasio. Des auteurs à part qui ne sont pas connectés au reste du réseau. Qui ne sont pas capables de valoriser le travail de leurs collègues de l'imaginaire. Damasio ne lit pas de fictions mais seulement des essais philosophiques. Donc il est incapable de valoriser le travail des autres auteurs de SF français, de monter au créneau pour les défendre. Damasio ne défend que Damasio. Pareil pour les autres nommés.

Dans les années 90, les chefs de file étaient Pierre Bordage et Ayerdahl. Deux auteurs cœurs de cible. Et curieusement la SF a bien marché quelques années. Et la SF s'est mise à bien marcher. Idem pour la fantasy autour de Mathieu Gaborit et Pierre Grimbert.  La fantasy a eu la chance d'avoir un Jaworski dans la décennie suivante. Nous avons de bons auteurs en fantasy et en SF. Ils sont capables de valoriser le travail de leurs collègues mais il leur manque l'aura médiatique qui pourrait faire décoller les choses.

La volonté de trop intellectualiser nos genres s'est retourné contre nous. 

jeudi 18 mars 2021

Ecosystèmes gigognes

 L'écosystème des littératures de l'imaginaire est lui même un élément d'ensemble plus vaste : l'écosystème de la culture de l'imaginaire. Cet ensemble comprend tous les autres médias de l'imaginaire : cinéma, TV, jeux vidéos, jeux de rôle et GN, bande dessinée ainsi que toutes les pratiques d'action culturelle qui peuvent être liées aux univers de l'imaginaire. 

Au sein de cet écosystème la littérature a été le cœur jusqu'aux années 70 où de nouveaux médias sont apparus : le jdr et les jeux vidéos. Ils ont entraîné une vague importante de créativité, de nouveaux types d'univers, de nouveaux tropes. Et ils ont ensuite infusé la littérature de SF et de fantasy. On s'en rend compte avec l'arrivée en France d'auteurs issus du jdr à la fin des années 90. Une nouvelle manière d'écrire, une nouvelle manière de créer des univers, une créativité assez débridée (je pense par exemple à Mathieu Gaborit ou à Nicolas Cluzeau sur ce dernier point). Ils ont enrichi à leur manière les littératures de l'imaginaire malgré la résistance du noyau dur du fandom. 

Pour que l'écosystème fonctionne il faut que tous les éléments soient en interaction. Et une partie du fandom s'oppose malheureusement farouchement au dialogue avec les éléments des autres médias. Ce qui freine des quatre fers l'évolution de l'écosystème des littératures de l'imaginaire, On le voit bien par exemple avec le rejet du jeu vidéo par exemple.

Récemment le critique britannique Aidan Moher a fait un article assez érudit où il évoque l'influence des RPG japonais sur console et notamment la série des Final Fantasy sur la jeune génération d'auteurs de fantasy anglo-saxons. Ce qui montre encore une fois que les interactions peuvent donner des choses assez fabuleuses pour un peu qu'on les laisse prendre.

https://aidanmoher.com/news-opinion/2019/07/17/out-about-generation-jrpg/

Accepter les liens avec les autres médias, se mettre en dialogue au lieu de faire des littératures SFFF une forteresse assiégée me paraît une bonne attitude. L'ouverture fait toujours progresser. Mais la volonté de se tourner vers le public de la blanche est une négation de l'appartenance à l'écosystème culture de l'imaginaire et la volonté de se rattacher à un écosystème littérature.

Cet écosystème existe bel et bien pourtant. Nous avons surtout un écosystème littératures de genre qui en plus de l'imaginaire regroupe les littératures policières et la romance. Et curieusement là on voit des complémentarités se créer. Le thriller est contaminé par la SF ou le fantastique. La romance utilise des univers de la SF ou de la fantasy. Des littératures hybrides se créent. En blanche aussi quelques auteurs arrivent à dépasser le cap de l'anticipation dystopique et à construire des choses plus proches de nos littératures ( se souvenir d'Extrême Fiction d'Henri-Frédéric Blanc, ou de certains romans d'Eric Faye ou de GO Chateaureynaud). Ces compagnons de route même s'ils s'illustrent dans le champ de la littérature générale ont un intérêt pour les littératures de genre et en particulier pour l'imaginaire. Mais nous ne devons pas faire de l'écosystème une vache sacrée, au contraire nous devons essayer là aussi de dialoguer avec les littératures qui nous sont proches et non se réjouir dès qu'on a l'impression qu'un auteur de blanche fait de la SF. Se demander si les éléments de SF sont du fond ou juste de la forme. Si c'est un roman de blanche dans un monde de SF ou un vrai roman de SF.


mercredi 17 mars 2021

L'écosystème SFFF français aujourd'hui

 Après l'arrêt du poche chez Fleuve Noir l'écosystème a été déstabilisé et a perdu en cohérence.

Mais de nouvelles niches ont éclos entraînant son expansion dans les années 90. De nouveaux éditeurs venus du JDR amènent avec eux le public de ce loisir et créent une fantasy à la fois populaire et exigeante aux couleurs de l'hexagone. Un rapprochement entre les deux fandoms voit le jour même si le noyau dur du fandom SFFF est réticent au départ. 

C'est surtout ensuite que les choses vont se compliquer. La colonne vertébrale du nouvel écosystème ne sera pas une collection ou une revue mais des auteurs choisis parce qu'ils peuvent faire évoluer le genre vers sa légitimation : Houellebecq, Dantec et maintenant Damasio. 

D'un autre côté on constate le succès du young adult mais les lecteurs de young adult ne  passent pas tous à une SFFF plus adulte. Et la nouvelle structure de l'écosystème n'y est pas étrangère. On constate même dans une partie du fandom un mépris pour les lecteurs de young adult que l'on ne veut pas du tout intégrer.  Certains éditeurs, toutefois, ont fait l'effort de proposer un imaginaire young adult de qualité loin des sentiers battus et des stéréotypes. Je pense notamment aux Indé avec leur label Naos. 

Le passage d'un écosystème autour d'une SF et d'une fantasy populaire à un nouvel écosystème autour d'une littérature haut de gamme a totalement destabilisé l'écosystème qui n'arrive toujours pas à prendre une nouvelle forme définitive et continue à se métamorphoser mais sans se fixer. Il faudra bien un jour pourtant y parvenir tout en ayant une marge de manœuvres pour de nouvelles choses.

vendredi 12 mars 2021

Ecran du paraître

 Le sémioticien Greimas désignait la réalité fictionnelle par le terme écran du paraître. La fiction n'est pas la vérité mais la véridiction. Un certain nombre de gens considère que la littérature doit parler du monde et doit être un miroir du réel. 

Dans le milieu du polar les auteurs de roman d'énigme ou de thriller assument très bien d'être dans l'écran du paraître. Une partie des auteurs de noir aussi, ceux qui font du hardboiled. Il n'y a que les manchettiens intégristes qui sont dans le miroir du réel avec leur littérature d'intervention sociale.

Si chez les auteurs de fantasy l'écran du paraître est bien assumé, chez une partie des auteurs de SF on a du mal. Il faut trouver un aspect métaphorique pour rattacher le récit à un miroir déformant. Le récit ne saurait être qu'édifiant. Quand on connaît un peu l'histoire de la lecture en France, on reconnaît un modèle imposé par les bibliothécaires du 19éme siècle. Celui des "bons livres" qui devaient avoir une portée éducative ou édifiante et ne jamais être du simple divertissement. Justement il faut assumer d'être dans l'écran du paraître, ce qui n'empêche pas d'avoir un sous texte politique ou social. 

Adopter l'approche "worldbuilding does matter" et abandonner celle construire autour des seuls éléments spéculatifs semble un bon début pour y arriver. Nous avons besoin d'univers pas uniquement de concepts.

lundi 8 mars 2021

L'écosystème de l'imaginaire 3

 Nous avons donc déterminé que les deux piliers historiques de l'écosystéme SFF français étaient Fleuve Noir et Fiction. Que les deux étaient vendus en kiosque et maison de la presse.

Dans les maisons de la presse des années 80 et 90 on trouvait outre FNA, des collections comme J'ai Lu SF ou Pocket SF. Et les collections SF du Livre de Poche et Présence du Futur n'étaient pas absentes de certaines d'entre elles. La maison de la presse était donc au cœur de l'écosystème SFFF. Ou plutôt nous avions une dichotomie entre la SF populaire vendue en maison de la presse et la SF exigeante vendue en librairie. Le lecteur qui s'intéressait au deux savait dans quel point de vente il trouverait quoi.

Mais dans les années 90 pour des raisons que je n'explique pas, la SF et la fantasy ont déserté les maisons de la presse (alors que le policiers lui est resté). Donc un des pôle de vente a disparu. 

On nous dira que le supermarché a remplacé la maison de la presse pour le poche populaire. Mais c'est la ménagère qui fait les courses dans les grandes surfaces. Donc le marketing va y cibler plutôt un public féminin. C'est avec cette information en tête que Bragelonne a créé Milady. Donc ça ne recoupe pas le public de la maison de la presse.

Ce public des maisons de la presse s'est diversifié, rajeuni, et féminisé. Donc avec ces éléments en tête il serait sans doute possible de construire une offre adaptée. La reconquête des maisons de la presse est elle nécessaire ou même possible ? Je n'en sais rien mais elles ont été un élément important de l'écosystème SFFF. Leur mise en retrait a déséquilibré cet écosystème à la fin des années 90. Elles avaient même permis une certaine résistance quand le pôle librairie avait marqué un peu le pas dans les années 80. Ce qui est clair c'est qu'en plus des librairies on a besoin d'un deuxième pôle de vente. La vente en ligne peut recouper certains éléments mais sans doute pas tous.

Il faut se souvenir que dans les années 70, quand la BD était assez mal vue des libraires généralistes s'est créé un réseau de librairie spécialisée. Peut être aussi est ce une solution pour l'imaginaire. Un point de vente où l'imaginaire populaire et l'imaginaire exigeant se côtoierait et où l'on comprendrait que ce sont les deux faces d'une même pièce. L'imaginaire exigeant ne peut exister sans l'imaginaire populaire. 

L'écosystème de l'imaginaire 2

J'ai évoqué dans le précédent article le pilier qu'était Fleuve Noir Anticipation dans l'imaginaire français. 

Il faut maintenant évoquer le deuxième pilier la revue fiction. Créée dans les années 50, elle a duré jusqu'en 1990. Elle proposait aussi bien des traductions d'auteurs anglo-saxons que des auteurs français. Elle permettait à de jeunes auteurs francophones de se faire connaître et à faire leurs premières armes. Donc elle a apporté beaucoup. Beaucoup d'auteurs commençant par la nouvelle avant de passer au roman ça leur permettait d'aiguiser leurs plumes sur les textes courts avant de passer au roman. Donc de ce point de vue, la revue a eu un rôle majeur.

Il faudra attendre 1996 pour qu'une autre revue prenne le flambeau Galaxies. Avec une première époque jusqu'en 2007 avec Stéphanie Nicot aux commandes et une deuxième depuis 2009 avec Pierre Gévart. La revue permet à des auteurs francophones de se révéler tout en publiant des auteurs étrangers intéressants. Mais Galaxies est une revues qui ne se trouve que sur abonnement et dans un réseau de librairies intéressées. Il en est de même de la revue concurrente Bifrost. 

Fiction était disponible en kiosque et maison de la presse. Et ça change tout. Le public des maisons de la presse n'est pas forcément celui des librairies. On trouve des maisons de la presse dans des villes ou villages qui ont pas de librairies. On pouvait donc découvrir Fiction quand on habitait une petite ville de province. Au même titre qu'Anticipation et les collections de poche comme Pocket SF ou J'ai Lu SF, c'était une fenêtre sur les genre de l'imaginaire à laquelle on pouvait accéder dans de nombreux coins de la France profonde où les librairies n'avaient pas forcément de rayons SF développés.

dimanche 7 mars 2021

L'écosystème de l'imaginaire en France

 Si nous réfléchissons en terme d'écosystème nous pouvons nous demander si c et écosystème n'est pas perturbé. Et là nous devons revenir longtemps en arrière pour trouver l'événement perturbant.

Fleuve Noir a longtemps été l'épicentre de cet écosystème avec ses collections Anticipation mais aussi Angoisse. L'arrêt des collections de poche du Fleuve dans les années 2000 ( avec l'arrêt de Fleuve Noir SF qui avait succédé à Anticipation) marque le début de cette période de perturbation de l'écosystème de l'imaginaire francophone. Certes des éditeurs comme Rivière Blanche ou Armada ( ou plus récemment Pulp Factory, ma propre maison d'édition) ont repris le créneau mais avec une différence de taille. Ce n'est pas du poche et ce n'est pas vendu en maison de la presse. La disparition des collections populaires vendues en maison de la presse a conduit à la disparition du lectorat de ses points de vente. Un partie du lectorat populaire a disparu. 

C'est là qu'on se rend compte à quel point Fleuve Noir était central pour la SF. Certes la disparition des collections de poche est aussi le fruit des erreurs de l'éditeur ( le fait de ne pas s'ouvrir aux autrices dans les années 80 ou de créer une collection de fantasy parallèle à anticipation) mais pas seulement. La volonté de légitimation d'une partie du lectorat a conduit a l'embourgeoisement de notre littérature. Et lutter contre cet embourgeoisement ( ce que je fais depuis le début de ce blog) est mal vu d'une partie du fandom tant la volonté de légitimation est forte. Mais plus on s'avance dans cette légitimation, plus on accroit le déséquilibre de l'écosystème culturel des littératures de l'imaginaire francophone.

dimanche 17 janvier 2021

Pulpy vs Puppies, épisode 2020

Il y avait longtemps que je ne vous avais pas gratifié d'un nouvel épisode de notre feuilleton américain. 

Nous rappelons les forces en présences, d'un côté des auteurs conservateurs voire réactionnaires qui veulent s'arroger le monopole de la SF populaire. De l'autre, ceux qui ne veulent pas la leur laisser.

Je m'étonnais dans un précédent article qu'il n'y ait pas eu la création d'un anti Baen. Soit un éditeur de SF populaire qui publie des auteurs qui viennent pas forcément des milieu conservateurs ( ou pire) mais qui ose publier des auteurs de toutes opinions. Et là j'en trouve deux pour le prix d'un.

- D'abord LMBPN, crée dans un premier temps par Michael Anderle pour publier des romans dans les univers partagés qu'il a créé. Il a élargi son offre et publie de nombreux autres auteurs. Récemment il s'est rapproché de David Brin qui propose chez lui un univers partagé et il amené avec lui Nancy Kress et Sheila Finch. 

- Aethon Books créé par l'auteur Rhett Bruno, correspond bien à la définition d'un éditeur de Sf et de fantasy populaire publiant des auteurs de toutes opinions et de toutes origines. Il ratisse large de la Sf militaire au post apocalyptique en passant par le space opera classique et la sword and sorcery. Il a également une collection consacré à la LITRPG ( des romans dans des MMORPG. Imaginez Noob en roman). Son coup d'éclat : un roman de SF militaire écrit par l'acteur Lou Diamond Phillips.

Ces deux éditeurs se sont créés peu après la crise des Puppies. Ce qui prouve qu'il y a eu une réaction saine de la part de ceux qui ne voulaient pas voir la SF pulpy prise en otage par les réacs.

jeudi 7 janvier 2021

Qui sème l'élitisme.....

 Les éditeurs de l'imaginaire ont décidé de surfer sur le succès de Damasio et de faire la part belle à l'imaginaire le plus exigeant voire à des œuvres élitistes. Il faut des œuvres exigeantes, mais il ne faut pas oublier qu'elles ne sont lues que par une minorité. Il ne faut pas oublier qu'il faut proposer des œuvres de plusieurs niveaux de lectures différents du populaire à l'exigeant en passant par toutes les nuances entre.

En privilégiant l'élitisme on risque d'entraîner des réactions populistes. Et de voir se développer des collections populaires publiant des auteurs d'extrême droite. Les éditeurs facisants se feront une joie d'occuper le terrain libéré par les éditeurs de l'imaginaire. Certes nous sommes quelques small press à proposer du populaire et à résister - Rivière Blanche, Armada, Voy'el, Crin de Chimère ou ma propre ME Pulp Factory. On aimerait bien profiter de cet effet. Mais nous ne sommes pas suffisamment connu et n'avons pas nos entrée chez les libraires les plus en court.