En France on nous dit que la SF est en crise. Et j'en ai vraiment compris les raisons en lisant l'interview de Laurent Genefort sur le site Elbakin. Il s'agit avant tout de ce que nous avons nous autres français une perception dépassée du genre :
- Laurent nous dit que la SF doit avant tout s'appuyer sur les sciences exactes. Or la SF n'a jamais été aussi bonne que lorsqu'elle a traité les sciences humaines : Vance, Farmer, Le Guin, Delany, Silverberg, autant de grands maîtres du genre qui se sont attachés à baser leurs spéculations sur les sciences humaines plus que sur les sciences exactes. Fondation d'Asimov nous parle avant tout de la psychohistoire. Nous sommes ici entre histoire et philosophie. Dune de Frank Herbert évoque l'économie, les sciences politiques et la théologie et non la physique et la biologie. La SF depuis les années 80 a décidé de se tourner plus vers les sciences exactes et de ne plus s'attacher autant qu'autrefois aux sciences humaines. Or si évoquer les sciences exactes est nécessaire, ce n'est pas suffisant. La SF n'est une littérature des technosciences. C'est avant tout une littérature qui a plus parlé de philosophie que de sciences exactes. Et là il y a des milliers de thèmes qui pourraient donner naissance à autant de chef d'oeuvres : le langage, le devoir de mémoire, le rapport de l'homme aux racines, la place de la culture dans la société etc... Et ces thèmes sont bien plus passionnant à mon point de vue que le transhumanisme ou les nanotechnologies.
- Il y a aussi l'idée que la SF est une littérature qui donne à réfléchir sur la société, une littérature qui interroge notre présent. Je pense que demander cela à la SF c'est trop demander de la simple fiction. Le critique américain Jonathan MacAlmont expliquait combien cette préoccupation est une illusion. Les réflexions évoquées par la Sf ne sont que des tropes qui ont peu avoir avec la véritable prospective socio politique. D'autant plus qu'aujourd'hui la lecture des essais parlant de ces sujets s'est démocratisée et que très bonnes tribunes sont publiées dans la presse qui permettent de questionner l'avenir avec des bases beaucoup plus solide que la SF. S'il est une littérature qui évoque ces aspects c'est l'anticipation. Ce n'est pas un sous genre de la SF mais bien un genre à part entière : c'est la littérature du ici et demain alors que la SF reste la littérature du ailleurs et demain. Toute la différence est dans cette localisation spatiale. La SF parle avant tout de l'altérité et de l'humain. Et plus la SF s'éloigne de notre monde et de notre époque plus elle y réussit. C'est sans doute pour cela que la SF n'est pas uniquement une littérature d'idée. Elle ne peut être réduite à cette dimension. C'est aussi une littérature d'image et une littérature d'univers. Les trois composantes sont liées. Mais on a à tort accentué la dimension spéculative alors que les deux autres sont tout aussi importante et ce faisant on a appauvri le genre. Et une SF qui privilégie les idées et tourne le dos aux images et aux univers court le risque de devenir une littérature idéologique. Or idées désignent avant tout les concepts pas les idéologies. Et un concept pour exister a besoin d'être associé à une image. Et l'association des concepts et des images et leur mise en cohésion et en cohérence crée l'univers. Pour parler de manière plus jargonante l'association d'éléments thématiques et d'éléments figuratifs cohérents finissent par créer un super actant monde.
- Laurent évoque aussi le fait que depuis les années 80 on a vu arriver une génération d'auteurs avec un haut niveau spéculatif. Souvent malheureusement le haut niveau spéculatif va de pair avec une piètre narration. Et que la réconciliation des idées et du récit est largement nécessaire. Et la nouvelle génération apparue d'abord en Grande Bretagne à la fin des années 90 et à l'heure actuelle aux USA semble avoir cette préoccupation là. Serait ce pour cela que l'on traîne des pieds pour traduire un certains nombre de représentants de cette génération là (Liz Williams ou Richard Calder ne sont toujours pas traduits, Neal Asher et Adam Roberts commencent tout juste à l'être, quant à des auteurs comme Tobias Buckhell ou Elisabeth Bear, il semble que leur traduction ne soit pas à l'ordre du jour). La Sf c'est d'abord une fiction, un récit. Un récit répondant à des tropes particuliers mais un récit tout de même. Le narration doit l'emporter sur les aspects scientifiques ou sur la volonté de faire la morale. Et ce n'a pas toujours été le cas. Mais les choses semblent s'améliorer.
Il nous faut changer notre représentation du genre pour accepter une SF nouvelle et sans doute mettre de l'eau dans notre vin pour que le genre ait une vie.
mercredi 29 octobre 2008
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