Selon le Daily Telegraph(1), aucun adulte ayant une bonne estime de lui même ne devrait acheter de comics books ou aimer les films de super héros. La culture populaire ce sont les séries réalistes, le roman noir, bref tout ce qui est censé parler de la société, rien que de la société. La critique sociale est la seule chose qui devrait préoccuper l’adulte moderne.
Sauf que la critique sociale c’est un peu le Munich de la culture. On fait, ad nauseam, le constat que la société est pourrie, que les violences sociales sont intolérables…. Mais on ne fait qu’un constat, en espérant que ceux à qui on s’adresse prennent la lutte. Mais surtout c’est un aveux de défaite de ceux qui pensent les néo-libéraux ont gagné et qui veulent montrer la société telle qu’elle est et non telle qu’elle devrait être. Et finalement tout ça, ça plait aux bobos. Et curieusement ceux qui veulent changer le monde ce sont les alternatifs et les geeks. Sachant que beaucoup d’alternatifs sont des amateurs d’imaginaire, et sont les premiers à apprécier la culture populaire, et même les super héros, on se dit que la réalité est un peu moins simple que ce que nous dit le Telegraph.
Les bobos oublient un peu facilement d’ailleurs que les violences culturelles alimentent les violences sociales aussi bien que les violences économiques et ils sont les premiers à les soutenir.
Bref, nous autres amateurs d’imaginaire, ou une partie d’entre nous, sommes des geeks. Geek, ce terme américain qui signifie abruti ou même dégénéré. Dégénéré comme dans culture dégénéré, cette fameuse expression dont les nazis abreuvaient les avants gardes. Bref le Telegraph nous considère sans vraiment le dire comme des dégénérés. Mais c’est notre drapeau, nous sommes des geeks, dégénérés pour une culture bourgeoise qui s’est drapée dans l’engagement politique pour se parer de toutes les vertus.
Bref, « nous nous battons avec nos rêves », comme le disait si bien Michel Jeury. Faire rêver est devenu dans nos société européenne plus subversif que faire réfléchir ( puisque une majorité d’acteurs culturels veulent faire réfléchir). Mais, geek fait peur car comme le disait T.E Lawrence, « les rêveurs diurnes sont des hommes dangereux, car ils peuvent jouer leur rêve les yeux ouverts, pour le rendre possible. »
Aujourd’hui la société considère que celui qui se bats à la poursuite de ses rêves est un adolescent attardé, l’adulte lui s’intéresse à des choses d’adultes, la violence, le sexe, et ramène tout à la politique. Plus le droit de s’émerveiller, de s’extasier, d’imaginer, de créer, de rêver évidemment. Le rêveur fait peur. Mais le rêveur est capable d’imaginer, de changer les choses si on lui en donne les moyens. Plus que le rêve c’est l’imagination qui est attaquée. Or Albert Einstein ne disait - il pas que « l’imagination est plus importante que le savoir » ?
Non, pour mériter l’estime de lui même l’adulte doit se connecter à cette imagination qui certes nous entraîne dans des univers qui n’existent pas, mais sans laquelle la vie de la pensée n’est pas possible, pour paraphraser Carl Sagan. Finalement les super héros, la fantasy, la SF, nous connectent à un imaginaire qui nous permet de souffler pour avoir le recul nécessaire sur la société, pour nous donner le lâcher prise nécessaire à nos vies. Nous faire rêver pour nous permettre d’être des individus actifs capables d’autres choses que de se lamenter sur leurs malheurs.
(1) http://www.telegraph.co.uk/men/thinking-man/no-self-respecting-adult-should-buy-comics-or-watch-superhero-mo/?sf23243815=1
1 commentaire:
Le Daily Telegraph n'est pas exactement ce que j'appellerais un quotidien progressiste. Il est très lié au Parti conservateur britannique et a été cité dans des scandales d'articles censurés par crainte de perdre des annonceurs.
Qu'un tel média dise pis que pendre des comics et de la SF, ça ne m'étonne pas; leur notion d'Adulte Qui Se Respecte s'est fossilisée quelque part au milieu des années 1950, avec le reste de son lectorat.
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