jeudi 6 décembre 2012

Ecrire de la high fantasy made in France

On reproche assez souvent à la high fantasy d'être littérature anglosaxonne. Il est clair que pour créer une high fantasy française il faudrait s'adapter à notre culture.

Le décorum surtout devrait refléter les racines latines de notre pays. Exit les éléments issus des mythes germaniques. Ici ce serait un imaginaire issu de la culture greco romaine qui serait au coeur de ces projets littéraires. Les elfes et les nains y serait remplacé par les satyres et les centaures. Ces mythes greco romains voisineraient avec des sources médiévales. Mais là encore ce ne serait pas uniquement le mythe arthurien mais bien toutes les sources médiévales les plus créatives qui serait là utilisée des chansons de geste aux mirabilia en passant par les romans antiques. Bien sûr on veillera à s'inspirer de sources plus tardives et notamment de la Renaissance ( Rabelais étant bien entendu du nombre).
On mettrait également aux orties le royaume maléfique situé à l'est. L'adversaire serait un ennemi intérieur. Et les héros s'opposeraient à des églises corrompues, à des politiciens ambitieux, à des sociétés secrètes où à des dictatures.
ON éliminera aussi le thème de l'élu qui reflète plutôt la fascination de nos amis anglo saxons pour la religion. Evitons aussi les prophécies qui sont un artifices littéraires un peu casse gueule et faisons l'apologie du libre arbitre.

4 commentaires:

Florent Lenhardt a dit…

L'imaginaire à la française se devrait d'être gréco-latin ? Elle fait mal par où elle passe, celle-là. Certes la culture classique est fortement orientée de ce côté là, grands auteurs, sources nobles, tout ça, mais si on se penche sur la culture populaire, qu'il faudrait presque mettre au pluriel tant la France a un patrimoine culturel diversifié, cette affirmation sonne élitiste au possible. Quand on a la chance d'avoir une culture si hétérogène dans un pays carrefour en Europe, faudrait-il réduire le "à la française" au gréco-latin ? C'est absurde. C'est dans le traitement des thèmes et une certaine utilisation des archétypes que la différence est à faire, car c'est dans la façon de penser que nous sommes potentiellement différents.

Et quand bien même ! Les prophéties et les élus, ce n'est pas ce qui manque dans l'imaginaire gréco-latin. Pourquoi s’en passer dans ce cas ? Plutôt que d'exclure ce qui a été fait outre-altantique/manche, pourquoi ne pas se réapproprier, à notre façon, ces éléments qui étaient déjà présentent des siècles avant qu'on en vienne à poser des sigles idiots comme "high-fantasy" sur des ouvrages pour chercher à toujours se différencier les uns des autres ? (L'abus de sous-genres, quelle plaie, mais je digresse...)

A mon sens ce sont le ton, l'utilisation des archétypes et le message sous-jacent éventuel qui font la différence. Parce que ce n'est pas remplacer "Géant" par "Titan" ou "Mordor" par "Église" qui nous rendra plus "français".

Fabien Lyraud a dit…

L'utilisation des archétypes j'en parle aussi.

Pour ce qui est de l'imaginaire greco latin il occupe une place comparable à l'imaginaire nordique et germanique chez les anglo saxons. A mon époque tous les ados connaissaient les travaux d'Hercules. La mythologie est une source suffisamment connu du grand public pour ne pas être qualifiée d'élitiste je pense.

C'est vrai que pas mal de choses pourraient être utilisée sur la forme pour nous démarquer comme l'esprit feuilleton. Ce qui est bien c'est que les auteurs de fantasy grand public français use souvent d'épisodes picaresques ( c'est vrai aussi en BD) plus rares chez les anglo saxons. Donc il y a déjà des différences entre les deux.

Mais je deviens allergique aux Elfes, moi. Pourquoi proposer une littérature avec un décorum comparable à celui des anglosaxons ? Pourquoi là aussi ne pas montrer notre différence ? De l'antiquité à Alexandre Dumas en passant par Rabelais et pas mal de sources méconnues des 16éme et 17éme siècle nous avons un terreau culturel différent des anglo-saxons. Alors pourquoi essayer de les singer plutôt que revendiquer notre indentité ?

Florent Lenhardt a dit…

Les gens connaissent les mythologies grecques et latines aussi bien qu'ils connaissent les mythologies germano-scandinaves, c'est à dire assez mal et assez vaguement, et rarement par les textes originaux. Et si c'est un terreau moins utilisé, certes, il n'en est pas pour autant "plus français". Après, si faire de la fantasy "à la française", c’est juste changer le décorum, alors non, désolé.

"Élitiste" fait référence à l'idée que la mythologie gréco-latine serait "plus française". Et dans ce cas, je maintiens, c'est faux, au moins au niveau populaire. Cela dit ce mot n'est pas entièrement négatif ici : Puiser dans des références obscures du moyen-âge (par ailleurs fortement inspirées de mythes germaniques et celtes lorsqu'ils ne sont pas complètement christianisés par les copieurs), oui, c'est élitiste. Néanmoins c'est une excellente idée, ça redonnerait peut-être envie aux gens de se pencher sur des textes moins connus, et j'adhère. Mais ce n'est pas populaire, par définition même : ce sont des textes inconnus du lecteur moyen.

Concernant les archétypes, vous dites "non aux élus, non aux prophéties". Je veux bien, mais comme je le disais ce sont des éléments bien présents dans les mythes gréco-latins, où le destin tient une place importante. Pourquoi, si ces éléments sont problématiques, changer une mythologie pour une autre où ces "défauts" sont tout de même présents ? Preuve en est que le décorum n'est que le décorum. Quitte à changer ces éléments-là, il n'y a aucune raison à condamner les mythes germaniques ou scandinaves parce qu'ils sont "trop anglo-saxons". Par ailleurs, les suggestions de remplacements des "méchants" sont assez superficiels. Le culte maudit devient l'église corrompue. Le méchant Roi sorcier devient le méchant dictateur, le conseil du royaume devient le parlement plein de politiciens ambitieux... Rien de profondément différent, rien qui n'offre une vraie différence. C'est la façon d'en parler, et les idées que le texte véhiculera, qui en feront quelque chose de différent. C'était pourquoi j'estimais que votre approche des archétypes n'était pas assez approfondie : Les exemples cités n'offrent rien de neuf, mais je suis ouvert si vous acceptez de développer le sujet :)

Utiliser les mythologies germaniques, celtes, finno-ougriennes serait singer les anglo-saxons ? Parce qu'on les a attendu pour puiser dans ce répertoire là, depuis des siècles ? Pourquoi abandonner un vivier qui nous a déjà appartenu par le passé (à une époque ou l'imaginaire était collectif...) ? Une fantasy "à la française" pourrait très bien être une Reconquista littéraire, non ? Je ne dis pas naturellement qu'elle devrait s'y cantonner, au contraire, mais je pense qu'abandonner des références sous prétexte que "c'est l'apanage des anglo-saxons" alors que, au départ, elles sont bien de chez nous, c'est pour moi un aveu de faiblesse. C'est admettre qu'on arrivera pas à écrire autre chose sur le même sujet. C'est nier l'idée que dans la fantasy à la française pourrait se faire sur le fond, voire devrait. Car si on se contente de changer les contextes mais que dans ce qu'on a à raconter on continue à tourner en rond, là, on singera le style anglo-saxon. "La Fantasy française ? C'est de la fantasy avec des faunes""Ah ouais, comme dans Narnia...". Aïe... (hum, je dois couper mon commentaire trop long, cela m'arrive rarement ! Un sujet passionnant !)

Florent Lenhardt a dit…

(suite)

Plutôt que de se placer en porte-à-faux, montrer de la variété dans le décorum serait une autre forme de traitement de la fantasy. Après, tout dépend de ce que vous entendez par fantasy à la française. Est-ce une fantasy au ton différent, unique, atypique, ou est-ce une anti-fantasy anglo-saxonne ?

Votre commentaire sur le format est très pertinent ! L'esprit feuilleton est une bonne idée, d'autant que le vivier des nouveaux/futurs auteurs de l'imaginaire sont très souvent des blogueurs, et beaucoup se prêtent déjà à ce format sur ces plate-formes (ainsi que la publication numérique). Cela pourrait se traduire au long terme par une approche différente du genre, jusque dans son format (qui implique une autre approche dans le fond, et la forme, également). Plus de feuilletons, moins de trilogies de pavés ?