Place à Didier Reboussin, vivant exemple de la diversité de cette génération montante de nouvellistes talentueux que nous avons en France. Si jusque là j'ai plutôt interrogé des auteurs vraiment jeune, cette fois ci nous avons un fringant quinquagénaire toujours jeune. Je crois bien que c'est la première interview d'un auteur plus âgé que moi. (:-)
1 Peux tu te présenter ? Comment es - tu venu à l'écriture ?
Je suis venu tout gamin à la SF au milieu des années 60, plus exactement en 1967 en tombant sur des ouvrages de la défunte collection « Anticipation ». Mon premier titre c’était « L’étrange planète Orga » de B.R. Bruss et cela a été un gros coup de coeur. Donc je suis devenu – et resté - « fleuve noiresque » jusqu’au bout des ongles. Je me suis contenté uniquement d’en lire pendant quelques années, puis j’ai découvert les revues Fiction et Galaxie. « La Mandragore » y faisait de la pub et c’est comme ça que j’ai su qu’il y avait des librairies spécialisées dans la SF à Paris. Elle était située dans le quartier latin, et de fil en aiguille j’ai su que la SF ne se limitait pas au Fleuve Noir. J’ai claqué mon argent de poche dans l’achat de vieux Fleuve bien sûr, mais aussi de Rayon Fantastique, CLA et même de pulps américains. C’est grâce à « La Mandragore » que j’ai lu Wul, Brackett, Carsac , Henneberg , Vance – Le Temple du Passé, l’Orphelin de Perdide, La Vermine du Lion, La Rosée du Soleil, La Porte vers l’Infini, Tschaï, rien que des vrais moments d’extases, des temps forts dans ma vie. Tu te rends compte qu’un Wul était déjà vendu 15 F de l’époque, une fortune, 3 semaines d’économies pour moi !
Puis un jour j’ai répondu à une petite annonce dans Fiction, passée par un groupe d’amateurs qui voulait créer un fanzine, et cela a été l’aventure Nadir, qui ne dura que deux numéros. Donc je suis venu à l’écriture via le fanzinat. C’était en 1973. A ce moment-là, la bataille « new wave » battait son plein dans le petit monde de la SF française, et pour complaire à mes potes qui étaient plutôt de cette tendance, j’écrivis un texte qui, pensais-je alors, en relèverait. Je crois que ce fut ma première plongée dans l’écriture. J P Andrevon avec qui je correspondais – et ses lettres portaient des slogans anti-nucléaires sur Mururoa, c’était au temps de Fournier – qui m’avait donné un texte pour ce fanzine m’avait encouragé, à sa lecture, à écrire. Mme Lunathyque a d’ailleurs repris ce premier texte dans sa web-anthologie sur les contes de Noël l’année dernière. Jean Pierre, j’en profite pour le dire, est un type super qui n’a jamais renâclé à aider un fanzine. C’est un écrivain de talent et j’ai une vraie admiration pour lui.
J’en viens à parler de lui car au-delà de l’écriture, ce fanzine m’a permis d’entrer de plein pied dans le monde de la SF, de rencontrer des auteurs à fin d’interviews. C’est ainsi que j’ai connu Pierre Barbet – un type d’une gentillesse infinie – Jacqueline Osterrach ou Maurice Limat. Et de fil en aiguille, j’ai participé aux conventions d’alors et grenouillé dans le monde du fandom, y compris belge, avec Claude Dumont. D’ailleurs les belges organisaient une super convention, Sfancon, qui se tenait à Gand et au cours de laquelle on pouvait lier connaissance avec des gens comme Christine Renard et Claude Cheinisse, Kenneth Bulmer, Brian Aldiss... C’est aussi au cours de ces conventions que j’ai rencontré Richard Nolane et Charles Moreau, des vieux de la vieille, des types vraiment supers. Voilà, c’est ainsi que la pompe s’est amorcée. Bon, je crois bien que j’ai répondu aux deux premières questions d’un coup.
2 - Ta nouvelle "l'arbre aux lunes" a un univers véritablement immense. As - tu prévu d'y situer un de tes prochains textes ?
L’arbre aux Lunes ? C’est un texte qui, à l’origine, devait paraître dans Horizons du Fantastique. Sa genèse remonte à presque quarante ans, mais je l’ai évidemment largement remanié depuis. Je crois que c’est sous l’influence du « Monde Vert » de Brian Aldiss que m’est venue l’idée de ce système planétaire parasité par un arbre géant. Situer d’autres histoires dans cet univers ? Je pense qu’il y a matière en effet à donner vie à toute une zoologie, je vais y réfléchir.
3- Tu ne caches pas ton admiration pour Nathalie Henneberg. En quoi as - t - elle influencé ton écriture ?
Mon admiration pour Nathalie Henneberg et ce qu’elle m’a apporté ? J’aurai tendance à la paraphraser et à répondre : tout. Elle m’a inculqué des règles de base, telles que la nécessité de savoir de quoi on parle, de construire une histoire qui ait du sens, un début, un développement et une fin et par-dessus tout, de respecter le lecteur. Lorsque l’on écrit et que l’on souhaite que ses divagations sortent du cercle privé, il est fondamental de prendre en compte le lecteur. Bien sûr, ensuite c’est affaire de goût, celui-ci aime ou non vos histoires, mais écrire des pathos incompréhensibles, c’est vraiment se foutre de sa gueule. Sur le plan littéraire Nathalie Henneberg a été la rencontre de ma vie. C’était littéralement un personnage de roman, dans le sens où elle a eu une existence incroyable, qu’elle a fini ses jours presque dans la misère, qu’elle a donné de purs joyaux à la SF et au fantastique. L’évocation de Nathalie Henneberg me renvoie à mes vingt ans, c’est dire ce que cela représente pour moi.
4- Quels sont tes principaux projets littéraires ?
Mes projets ? J’ai terminé avec Cyril Carau le roman inachevé de Nathalie Henneberg, « Hécate » qui va paraître chez Sombres Rets. Je dois dire que terminer le récit de quelqu’un d’autre est un exercice très difficile. Le lecteur justement appréciera ou non la conclusion que nous avons apporté Cyril et moi. Sinon, je veux « relooker » un autre roman inédit de Nathalie Henneberg, « Demain le ciel ». Ce sera le chantier de l’année 2012. A part cela J’ai quelques nouvelles à venir, d’autres en lecture. Je me consacre surtout à la critique ou à des articles pour le site Outremonde ou pour les revues Le Météore et Quinzinzinzili. Et puis j’ai pris du service chez Rivière Blanche comme correcteur. Voilà, je m’occupe en prévision de la retraite. En fait je suis un vieil espoir de l’imaginaire…
mercredi 11 janvier 2012
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