La SF serait elle en train de changer d'époque ? On peut le croire. L'époque précédente démarré avec les cyberpunks qui avait ancré le genre dans un paradigme technologique est en train de s'achever : se sont succédés les cyberpunks, le retour de la hard science dans les années 90, la singularité, le transhumainsme. A coté de cela on voit apparaître un discours post moderne de déconstruction du genre avec des auteurs comme Robert Charles Wilson. Les futurs sombres sont à la mode : la critique de l'idéologie néolibérale domine le milieu. On peut d'ailleurs se demander si à force de dénoncer cette idéologie, les auteurs n'ont pas contribué à la rendre possible, à l'actualiser, à lui permettre de s'ancrer dans le champs des possibles. Tous ces courants sont certes différents les uns des autres mais ils ont en commun deux choses : la volonté d'ancrer le genre dans le réel et de le détacher d'un imaginaire de fiction et d'évasion, de mettre au centre du récit l'idée (la sf littérature d'idées, l'idée pouvant être concept, idéologie...).
Les années 2000 font souffler un vent nouveau :
- Apparaissent des anthologies comme Shine qui veulent faire la part belle à des futurs optimistes. Cette anthologie n'est pas un épiphénomène puisque l'on en a vu d'autres comme Seeds of change ( sur les changements de civilisation), Wild humanists ( comment l'écologie peut changer la société) ou encore Little mosque amongs the stars (imaginer une vision positive de l'islam dans le futur). Bref des anthologies qui tranchent avec les discours pessimistes sur l'avenir de nos sociétés. Une SF qui arrête de n'être qu'un vecteur de dénonciation du présent pour véritablement imaginer des futurs.
- Le courant Scifi Strange mené par Jason Sandford fait la part belle aux spéculations basées sur les sciences humaines et n'hésitent pas à mener le genre dans ses derniers retranchements : poésie, baroque, décadence.... Un des courants les plus enthousiasmant de ces dernières années. Là aussi, des auteurs qui innovent en étant dans la continuité de ceux qui les ont précédés. Ils se réclament dans la ligne d'une New Wave élargie et dans le fil de la nouvelle SF américaine des années 70.
- On voit des auteurs appartenant à des minorités publier ainsi que des anglophones non anglo saxons originaires de tous les continents. On a une diversification et une mondialisation qui amène un sang neuf.
- Le leader éditoriale de la SF anglosaxonne est John Joseph Adams qui a pris le relais de Helen Datlow qui occupait jusque là le rôle de principal leader littéraire et éditorial. Adams a une vision beaucoup plus large des littérature de l'imaginaire allant de la hard science jusqu'à des formes extrêmement littéraires, s'intéresse aussi bien à la SF qu'à la fantasy. Du space opera à la fantasy épique, il a publié des anthologies allant des plus classiques au plus surprenantes. Mais il dirige également deux revues (Lightspeed et fantasy) et occupe les fonctions de directeur littéraire de Prime Books.
- Quant à la SF populaire si elle est étouffée par des licences commerciales aux USA, on a vu par contre ces deux dernières années de nombreux space opera publiée en Grande Bretagne. Comme les Britaniques avaient dans les années 90 fait évoluer la fantasy épique, on a des raisons de penser qu'ils feront la même chose avec le space opera.
Bref autant de directions qui nous montre que l'époque est en train de changer. Nous ne vivons pas une crise de la SF, mais l'évolution nécessaire d'une littérature essoufflée après plus de vingt ans à renier une partie de sa nature qui retrouve enfin cette identité confisquée par une partie du fandom soucieux d'en faire un espace de réflexion et non plus une vraie littérature d'imagination. Après deux décennies et demi de restriction du domaine du genre on voit arriver autant de facteur d'élargissement qui rendent optimistes pour les années à venir. Ce n'est que génése de quelque chose, mais une chose est sûre ce n'est pas prêt de s'arrêter. Vivement la suite.
On ne peut être que déçu par les prises de position des leaders éditoriaux du genre comme Serge Lehman faisant l'apologie de l'orientation postmoderne avec son rattachement de la SF à la métaphysique, ou la défense et illustration de la hard science comme voie royale par certains. Heureusement chez nous aussi des auteurs commencent à faire leur trou comme autant de petites souris patientes prêtes à creuser un vaste chantier.
samedi 6 août 2011
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