S'il est bien un courant de pensée qui domine aujourd'hui la science fiction moderne c'est bien le postmodernisme. Il n'a en effet jamais été aussi question de rupture du genre avec lui même (cette position était soutenu par Norman Spinrad lors d'Utopia 98) ou de sa déconstruction.
Postmoderne la problématique de post humanité l'est assurément. Au lieu de se contenter d'être seulement une modernisation de la problématique du mutant elle va beaucoup plus loin : l'humanité se modifie elle même par une science sans conscience. Quand on sait qu'aux USA les think tanks conservateurs considèrent la post humanité comme un progrès nécessaire on se dit que les auteurs qui traitent de cette question considèrent comme un fait que la domination des conservateurs sur l'humanité est une chose acquise ( position à laquelle la victoire d'Obama vient pourtant d'infliger un énorme camouflet). C'est la fin de l'histoire mais aussi la fin de l'éthique : la science perd sa conscience et le scientifique n'a plus de déontologie. Rupture avec l'histoire, rupture avec l'éthique mais aussi rupture avec l'humanité elle même. La singularité vient nous dire que l'humanité ne peut que s'être modifiée grâce à la technologie et ne peut être devenu qu'un ensemble d'entités incompréhensibles.
Et l'on peut même aller jusqu'à la transformation de l'homme en entités désincarnées. Mais c'est une grande partie de la SF depuis le début des années 80 qui invite à l'apocalypse des corps : corps mutilés de KW Jeter, corps modifiés par des implants ou des prothèses des cyberpunks. De ces corps maltraités, l'on arrive au corps nié. Comme si pour combattre une société des apparences où le corps est devenu une valeur dominante assez malsaine la seule solution était de torturer ou d'éliminer le corps de la fiction.
Rupture aussi avec la littérature. De Grégory Benford à Greg Egan la hard science préfère se focaliser sur le scientifiquement exact en sacrifiant la narration. Benford n'a de cesse d'introduire des schémas, des équations ou des diagrammes pas toujours compréhensibles par ceux qui n'ont pas une culture scientifique de haut niveau : il y a comme un refus de vulgariser considérant que ceux qui ne comprennent pas sont des demeurés. Egan lui fait des constructions complexes articulant métaphysique et sciences dures. La problématique savante prédomine et les éléments narratifs sont sacrifiés rendant le texte illisible. Parfois même comme dans sa nouvelle Océanique, l'intrigue n'est seulement qu'un prétexte à présenter cette problématique mais l'on reste dans un premier degré, et l'intérêt est bien vite dilué par l'ennui. Chez William Gibson c'est le style haché et le registre de langue argotique et l'utilisation d'expérimentations comme le cut up qui viennent combattre le récit traditionnel comme s'il était devenu obsolète.
Quand ce n'est pas la rupture c'est la déconstruction. Le nouveau space opera vient déconstruire ce sous genre. Chez Reynolds les voyages dans l'espace prennent plusieurs années. Résultat : l'espace n'est plus le lieu anthropologique du space opera traditionnel qui était une littérature du lien social. Ici on nous montre l'espace comme un lieu de solitude, de dépression. On a comme l'impression que des auteurs comme Reynolds ou Schroeder considèrent le liens social de manière négative et pensent qu'il est à la source de tous les malheurs de l'humanité. Il en résulte un littérature dépressive aux antipode de l'humanisme qui semble pour les postmodernes l'idéologie à abattre.
Pourtant il existe un espoir. De jeunes auteurs écrivent aujourd'hui une SF différente : Elisabeth Bear, Liz Williams ou Jay Lake. Curieusement ils ne sont pas traduits en français. Et pourtant c'est cette avant garde qui présente l'avenir de la SF. C'est avec les éditeurs comme Andrew Cox ou John Klima qui défendent la littérarité de genre qu'est l'avenir. C'est aussi tous ceux qui considèrent que l'avenir du genre passe par son passé (et ce n'est pas le moindre des paradoxes) qui contribuent à construire une nouvelle science fiction.
dimanche 31 mai 2009
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