mardi 15 novembre 2011

La SF française a l'éclat du métal

Dans les années 70 apparut un phénomène qui devait marquer de manière indélébile le paysage de l'imaginaire : Métal Hurlant. La revue consacrée à la bande dessinée réussit à imposer en quelques année une vision de la SF et Métal Hurlant devint une véritable marque de fabrique et même un état d'esprit. La revue réussit même à exporter son concept en Europe d'abord puis aux USA où apparut bientôt son équivalent local : Heavy Metal.
Dans le même temps la SF littéraire se débattait avec la nouvelle SF politique française. On remarque qu'il n'y a pas eu de vraie synergie avec le monde de l'édition. Personne n'eut la présence d'esprit de faire avec la littérature ce que Metal avait réussi avec la bande dessinée. Metal Hurlant c'était tout d'abord un imaginaire décomplexée servi par des scénaristes de grand talent comme Jodorowski ou Jean Pierre Dionnet et illustré par des Bilal, Moebius, Druillet, Caza, Arno, Jean Claude Gall.... Metal Hurlant osait l'heroic fantasy alors qu'une grande partie du fandom considérait le genre comme encore sulfureux. Metal Hurlant c'était aussi de grands récits de SF classique comme l'Incal ou les Naufragés du Temps. C'était des gens qui avait compris que la Sf était aussi une subculture et qui avait assumé les merveilleux jouets du genre. Mais c'était aussi des gens qui savaient être frondeurs, iconoclastes et subversifs. Ils avaient compris que l'aventure et l'action n'était pas antinomiques de la réflexion et que les deux premières pouvaient être au service de la troisième. Métal de par sa stature internationale c'était quasiment la SF française à l'étranger. Alors que l'on quittait la SF politique et que l'on louvoyait vers une SF extrêmement littéraire avec Limite, Métal gardait le cap d'une Sf résolument visuelle.
Les enfants de Metal Hurlant ont pris leur revanche après 1990. La nouvelle génération menée par Richard Canal, Serge Lehman, Laurent Genefort, Pierre Bordage et surtout Roland Wagner auxquels viendront s'ajouter bientôt Thomas Day, Johan Héliot ou Sylvie Denis, c'est une génération qui doit tout aux pionniers de Métal Hurlant. Ce sont ceux qui ont osé une SF décomplexée après les fièvres politiques et littératurantes. La SF redevenait enfin rock'n roll. Car c'est aussi ça l'esprit Métal Hurlant.
Le soufflet et retombé. Et aujourd'hui on aurait plus que jamais d'un état d'esprit comparable. Dans ces temps où l'on préfère évoquer la physique quantique, le transhumanisme ou la singularité, alors que les menaces des idéologies populistes et nationalistes commanderaient plutôt d'évoquer le multiculturalisme, la tolérance, de se demander comment éviter les chocs de civilisation, le tout avec les miroirs déformant que sont l'extra terrestre, le mutant ou le cyborg. Dans ces temps où l'on préfère enfoncer des portes ouvertes en disant que le réchauffement climatique c'est pas bien ou que l'ultralibéralisme c'est caca au lieu parler des solutions. Et l'on pourrait continuer ainsi des heures. La SF français n'est jamais aussi belle que lorsqu'elle a l'éclat du métal. Un métal hurlant bien sûr.

2 commentaires:

Alias a dit…

Je suis Alias et j'approuve ce message!

Cela dit, je suppose que "l'esprit" de Métal Hurlant est en grande partie né de mai 68: substances psychotropes, sexualité débridée, expériences spirituelles alternatives, mais également menace de guerre nucléaire totale.

On ne refera pas de la SF comme cela, simplement parce que le contexte a changé. C'est un genre littéraire qui parle plus du présent que du passé.

Fabien Lyraud a dit…

L'état d'esprit c'est surtout un imaginaire débridé. La sexualité et la drogue était présente, mais c'est surtout le pont entre SF et rock'n roll qui s'est révélé à l'époque. On pouvait faire un imaginaire brut de fonderie avec de l'aventure et l'action tout en faisant réfléchir.
Jodo pouvait faire de la Sf tout en délirant sur les tarots et l'alchimie. Dionnet pouvait travailler sur de l'heroic fantasy avec Jean Claude Gall (alors qu'à l'époque en SF littéraire un auteur français qui faisait de la fantasy avait toutes les chances de se faire traiter de faciste.) Bref la bd se permettait des choses que la Sf littéraire de la même époque à l'époque noyauté par des gens d'extrême gauche et des anarchistes ne pouvait même pas imaginer.
Metal Hurlant c'était comme le dit très bien Dionnet une machine à faire rêver.