C'est au tour de Romain Lucazeau, auteur ambitieux, habitué des sommaires depuis des années de se prêter à l'exercice.
1- Peux tu te présenter en quelques mots ?
Je suis né en 1981. J'ai été professeur de philosophie et de science politique. Puis je suis devenu consultant en stratégie. Une bonne part de mon métier consiste à faire de la prospective à moyen ou long terme. Le dernier rapport que j'ai écrit portait, par exemple, sur l'effet de l'automatisation sur le marché de l'emploi français. La SF et la vraie vie se rejoignent parfois un peu.
2 - Comment es tu venu à l’écriture ?
J'ai été, et suis toujours, un gros lecteur de science-fiction et de fantasy. En quittant le monde universitaire, en 2007, je me suis senti libéré d'un certain esprit de sérieux. Puisque je n'étais plus sensé produire des kilotonnes d'articles pédants, je pouvais m'amuser un peu. Mes premiers textes reflètent cet état d'esprit léger : des pochades, comme on les a qualifiées, qui trouvaient preneur – ce dont je m'étonne encore.
En même temps, j'avais le souci de continuer à philosopher, mais par derrière, pour ainsi dire. J'apprécie beaucoup l'œuvre de Julien Gracq, qui faisait de la géographie en catimini, par exemple dans le Rivage des Syrtes, ou Michel Tournier, dont les romans sont truffés de références philosophiques. Je soupçonne Damasio de deleuzisme souterrain, également, en particulier dans La Horde. A partir d'un moment, j'ai également produit des textes plus sérieux, qui cherchaient à mettre en musique, pour ainsi dire, des problématiques philosophiques. J'ai également écrit des commentaires philosophiques de thèmes "SFF", dont la plupart sont parus chez Brins d'Eternité, au Québec.
Il y a une autre influence plus essentielle, qui m'a beaucoup déterminé dans mes choix d'écriture : une conférence donnée par Serge Lehman à Normale Sup quand j'y étais moi-même élève. J'éprouve une admiration sans bornes pour sa conception de la science-fiction comme continuation de la métaphysique. J'y consacre d'ailleurs un article, qui paraîtra bientôt dans une revue, Oscillations.
J'ai assez rapidement récolté quelques prix pour certaines de mes nouvelles, dont les Imaginales d'Epinal, en 2010, ce qui m'a poussé à continuer.
3 - Peux tu nous parler de Latium, le projet de roman sur lequel tu travailles depuis quelques années ?
En 2010, donc, s'est imposée l'idée d'un roman. Il prenait racines dans certains de mes textes courts, en termes surtout d'atmosphère et de références. J'ai écrit une espèce de synopsis en trois mois, et puis, cinq ans après, je suis encore dedans. Il est devenu obèse, et malgré toutes nos séances d'exercice en commun, il ne veut pas maigrir.
Il y a dans ce roman une ambition que j'ai esquissée dans un article pour ActaestFabula, et qui m'a valu des volées de bois vert : la nécessité de ressaisir, au sein des genres de l'imaginaire, un matériau culturel qui est celui, pour faire vite, de la culture classique, à l'opposé des clichés qui verrouillent le genre et le réduisent à une production pour connaisseurs, souvent truffée de second degré ou de clins d'oeil.
Le roman se déroule après l'extinction de l'humanité, qui a laissé derrière elle des intelligences artificielles – rendues folles par la disparition de leurs maîtres et créateurs. Mes personnages sont des êtres cornéliens, soumis à une programmation d'airain et en même temps rongés par des désirs de liberté et de quiétude. Leur univers est un mélange de space-opera débridé et d'antiquité grecque et latine. Ce sont des princes et des princesses du théâtre classique transplantés dans l'espace, en somme.
4 - Quels sont tes autres projets littéraires ?
Prendre des vacances littéraires, après avoir terminé ce pavé.
Produire une série de nouvelles sur l'univers de Latium. Ecrire un autre pavé, qui aura pour titre Urbs.
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